Dans le cadre de ses 10 ans, le CERF interroge les acteurs du foncier sur les enjeux du ZAN. Cette semaine zoom sur l'EPORA, acteur incontournable dans la lutte contre l’artificialisation des sols

Présent sur 5 départements, l’Etablissement Public foncier de l’Ouest Rhône-Alpes (EPORA) est l’un des acteurs majeurs de la mobilisation du foncier en Auvergne Rhône-Alpes. Florence Hilaire, sa directrice générale, nous livre les actions mit en place par l’Epora pour aider les élus à lutter contre l’artificialisation des sols. 

Comment s’inscrit l’activité de l’Epora dans l’objectif de Zéro Artificialisation Nette des Sols (ZAN) ?

L’Epora ayant été créé pour reconquérir les friches industrielles et les fonciers dégradés, son activité est centrée à 90% sur le recyclage urbain. Nous sommes donc au cœur du sujet.

Le ZAN devrait très clairement faciliter le déclenchement d’opérations de renouvellement plus importantes, en réduisant la concurrence entre l’artificialisation des sols et la reconquête urbaine. C’est particulièrement vrai dans les zones les moins tendues marquées par la désindustrialisation et une démographie en berne. Sur ces territoires, le développement économique et la construction de logements se font sous forme d’extension, les charges foncières étant trop faibles pour couvrir les coûts d’ingénierie et de proto-aménagement associés à la reconquête de fonciers dégradés.

En créant la rareté foncière, le ZAN contribue à rééquilibrer les termes de l’équation.

Concrètement, quelles sont les actions que vous déployez sur le terrain pour aider les élus à réduire l’artificialisation des sols ?

Aujourd’hui nous aidons les collectivités sur tous les fronts de la reconquête urbaine ; le traitement des friches ne représente qu’une partie de notre activité.

Nous avons fortement investi le renouvellement des centres-villes et centres-bourgs, en nous adossant notamment à l’action « Cœur de ville » comme à Bourgoin-Jallieu où nous contribuons à créer une nouvelle centralité dans le quartier Paul Bert. Ces opérations exigent le remembrement de petites parcelles en ilots, un travail fin sur les bâtis existants, des portages longs et une réelle attention aux coûts d’acquisition, car, contrairement à la friche, le foncier, généralement occupé, a une réelle valeur locative y compris lorsqu’il s’agit d’habitat dégradé.

Nous intervenons aussi de manière croissante sur les zones d’activités économiques existantes dont les enjeux sont proches de ceux des centres-urbains à ceci près que les filières d’acteurs sont nettement plus complexes, la question de l’obsolescence des bâtiments très prégnante et les décalages de temporalité entre le public et le privé particulièrement marqués. Nous remettons sur le marché des fonciers et des bâtis vacants, recomposant des assiettes pour faciliter les extensions d’entreprises en place ou leur relocalisation au sein d’un même territoire. A titre d’exemple, nous avons récemment facilité le transfert du siège l’entreprise Houlotte de la commune de l’Orme à Lorette, permettant la création de nouveaux emplois.

Enfin, nous commençons à aborder les enjeux de renaturation de friches notamment lorsque les marchés sont trop dépréciés pour des sorties « classiques ». Ces usages redonnent de l’attractivité aux villes et renforcent la résilience des territoires confrontés aux risques d’inondation. La transformation du site Duralex dans la Vallée du Gier, qui mixte construction et renaturation, est à cet égard emblématique.

Quel a été l’impact du covid sur votre activité ?

Nous nous sommes organisés pour amortir les effets de la crise sanitaire sur les collectivités, nos prestataires et locataires. Dès le mois de mai, nous avons relancé les chantiers en optimisant, avec les maîtres d’œuvre, les phases de travaux (désamiantage, démolition, dépollution) pour accélérer les missions de recyclage Nous avons également suspendu les loyers conscients des difficultés de nos locataires. Surtout, nous intégrerons dans notre prochain projet de Plan Pluriannuel d’Investissement des mesures de soutien post-covid aux territoires et à l’économie.

Quelles seront justement les priorités de votre Plan Pluriannuel d’Investissement 2021-2025 ?

Nous allons poursuivre tous les axes que je viens d’évoquer : les actions en faveur du renouvellement urbain, de la transition écologique, du logement notamment dans les communes déficitaires au titre de la loi SRU, de l’activité économique et de l’emploi. Sur ces derniers points, nos interventions s’articuleront avec le plan de relance. Nous prévoyons de soutenir les territoires par l’achat d’actifs immobiliers et le portage de fonciers économiques, l’allongement des durées de portage ou encore la facilitation de lancement de nouveaux projets.

L’Epora investit annuellement en moyenne 48 M€, la poursuite de nos missions, et notamment sur les opérations les plus complexes pour lesquelles l’Epora est un véritable levier stratégique, va nécessiter une force de frappe financière considérable. Or l’équation n’est pas simple. Le plafonnement de la taxe spéciale d’équipement des EPF d’Etat, mise en place par le gouvernement depuis 3 ans, présente des risques non négligeables pour les prochaines années. A cela s’ajoute la suppression de la taxe d’habitation sur laquelle est assise une partie du produit de la TSE qui devrait être compensée par le budget de l’Etat sans avoir de garantie de la pérennité dans le temps. Nous faisons donc face à un véritable effet ciseaux.

Dans ce contexte, le soutien financier de la région aux territoires (ainsi que les aides du FEDER) est un accélérateur de projets. Il est important que ces financements puissent être poursuivi pour nous conforter dans nos actions et la prise de risque des collectivités et de l’Epora partenaire. Cette visibilité du financement sur le long terme serait un trait d’union fort entre le SRADDET, le CPER et notre programmation.

Propos recueillis par Sybille THIRION, CERF